Quel regard portez-vous sur la communication et la réactivité des acteurs autour de la santé mentale durant le confinement ?
Nathalie Pauwels, programme Papageno
J’ai le sentiment d’avoir lu autant de sujets sur l’impact psychologique que somatique. Avec un intérêt réel de la part des journalistes, la parution de sujets travaillés avec soin, la diffusion d’une parole expertale… Evidemment, on ne peut que s’en réjouir car pour la première fois, le concept de « santé » tel que le définit l’OMS est envisagé dans son entièreté. Comment l’expliquer ? J’ai plusieurs hypothèses personnellement. Est-ce la visibilité qui a été accordée à la mobilisation immédiate des équipes de psychiatrie en France (lignes de soutien psychologique aux soignants mais aussi à la population) ? Est-ce la démocratisation du concept de psychotraumatisme qui est maintenant reconnu suite au vécu des victimes d’attentats ? Quelle que soit la raison, c’est un des aspects positifs de cette crise sanitaire.
Reste maintenant à organiser l’après ! En effet, cette prise de conscience de la souffrance mentale amènera des gens à demander un soutien psychologique et il faudra doter les professionnels des moyens pour y répondre. Mais aussi sensibiliser l’entourage à l’aide que tout un chacun peut apporter aux personnes en difficulté.
A un niveau plus central, une coordination de ces dizaines de lignes d’écoute et de soutien psychologique, qui ont vu le jour durant le confinement, serait également souhaitable afin de pouvoir communiquer sur un numéro unique. Imaginez l’efficacité d’une ligne de régulation telle que le 15 mais dédiée à la souffrance psychique !
Risque suicidaire durant le confinement
L’impact psychologique de cette crise sanitaire a ravivé les craintes de la communauté des spécialistes du suicide. Perte de repères, sentiment d’angoisse, d’insécurité, fragilisation des liens sociaux, isolement… ces changements importants peuvent faire le lit d’idées suicidaires chez les personnes les plus vulnérables.
De plus, le confinement a fait exploser la consommation des médias (traditionnels et réseaux sociaux) ; il nous a fallu renforcer encore davantage la veille portée au traitement médiatique du suicide afin de limiter le risque d’effet Werther. Notre équipe a donc été particulièrement mobilisée afin d’accompagner les journalistes et les professionnels des institutions impactées. Mon meilleur souvenir demeure ce jour où un rédacteur en chef m’a appelée pour m’informer qu’il avait mis en place un système d’alerte afin de me faire remonter l’information si ses journalistes constataient une augmentation de suicides dans les territoires couverts. Quand les journalistes deviennent lanceurs d’alerte pour Papageno , on peut se réjouir d’une telle collaboration.
Quels sont, selon vous, les principaux enjeux de résilience pour cette période de déconfinement ?
Dr Christophe Debien, Centre national de ressources et de résilience
Il y a, selon moi, un premier enjeu institutionnel. L’absence de messages clairs engendre de l’angoisse, de la colère, voire un doute quant à la crédibilité de ces institutions. Un bon exemple fut celui de la réouverture des écoles. Or pour nous adapter à une nouvelle situation, nous avons besoin de repères.
Un second enjeu de résilience serait de profiter de cette période de crise pour se recentrer sur les opportunités et les changements qui ont été opérés durant le confinement. Je pense notamment à la prise de conscience de l’importance du lien social. N’arrêtons pas, du jour au lendemain, d’appeler nos proches, d’aider les personnes vulnérables…
Un dernier enjeu, davantage clinique : celui du repérage des violences faites aux femmes et aux enfants. Il semblerait que l’on ait noté une augmentation des appels et donc des violences à leur encontre. Il s’agit donc aujourd’hui de repérer encore davantage les manifestations de cette violence et d’orienter ces personnes vers un parcours dont les soins au psychotrauma font partie. Encore faut-il que les professionnels soient formés et c’est l’un des enjeux du CN2R !