Dans Thésée, sa vie nouvelle, Camille de Tolédo interroge la transmission des traumatismes et les silences familiaux, par-delà l’acte suicidaire
« Qui commet le meurtre d’un homme qui se tue ? », cette phrase, lancinante, revient sans cesse dans ce texte éblouissant qui a marqué la rentrée littéraire 2020. Dans une longue prose spiralaire, le narrateur Thésée, ouvre les boîtes qui renferment l’histoire tragique de sa famille. Son frère Jérôme s’est pendu, puis son père et sa mère, autrefois flamboyants baby-boomers, meurent eux aussi peu après. Thésée se réfugie avec ses enfants loin de tout ce chagrin en Allemagne mais emporte avec lui des photos, des lettres, un manuscrit, toutes traces qui lui permettront de remonter le fil de l’histoire familiale jusqu’au début du siècle et déterrer un à un les signes qui se font étrangement écho, d’autres morts, d’autres suicides. Camille de Toledo a fait appel à la psycho généalogie et l’épigénétique pour se relever et commencer à formuler une réponse à la question liminaire. Dans ce livre qui n’est ni une autobiographie ni un texte d’auto-fiction (tout n’y est en effet pas véridique), il écrit en post-scritum :
« s’il y a un sens à trouver dans nos corps-mémoire, dans ce continuum matériel qui noue nos vies entre les âges, je nourris l’espoir que, face à cette évidence encore à documenter, nous acceptons de nous voir, nous, je veux dire, notre espèce, une fois encore, comme d’humbles ignorants face à la matière qui sait infiniment plus que nous. Ce sera alors le début d’une autre histoire. Celle d’un avenir relié – réattaché »
Thésée, sa vie nouvelle de Camille de Tolédo, éditions Verdier